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Démarche artistique

Dans mon travail, je mets en scène, j’extériorise des vérités enfouies dans ma mémoire en livrant une multitude de situations, une foule d’éléments de ma vie et du monde. Des ânes, des hommes, des visages et une écriture illisible.

Avec le temps, j’ai fini par croire que l’art et ses paradoxes ramènent à presque rien et à tout. Et que l’art n’est pas seulement apparence et se trouve essentiellement dans sa dimension cachée. Même s’il tient compte de la réalité il fait appel à de multiples lectures possibles. Ce qui fait que ce n’est pas un savoir-faire ; derrière chaque œuvre se profile souvent un tas d’intentions. Les plasticiens comme les poètes sont porteurs d’une chose commune qu’ils vont chercher dans les profondeurs.

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Qui suis-je ?

L’art m’est venu avec l’apprentissage des lettres et des mots. C’est par la trace des lettres pour l’enfant de quatre ans, que commencèrent mes premières leçons de dessin. Les formes des lettres m’étaient données comme une approche première de l’art, par la suite comme symbole du savoir et d’une ouverture vers le monde.

Mon premier initiateur à la pratique de l’art fut le cheikh de l’école coranique. Avec sa mine de plomb, il avait tracé des caractères, à peine lisibles sur ma petite tablette de bois enduite d’argile. Il m’avait donné un encrier, accompagné d’un roseau et l’ordre de les recopier, en les suivant scrupuleusement ?

Après un travail appliqué : émerveillement ! C’était moi qui avais donné du relief avec une encre sépia à ces traces à peine lisibles : c’était une grande surprise mêlée d’exaltation pour le petit garçon.

Cette première expérience avec le roseau, l’encre et la trace, cette inquiétude de mettre ces premiers signes sur un support sans en déchiffrer le sens représente un moment de joie mêlé de crainte qui continue de m’accompagner dans ma vie.

Mon premier grand maître fut l’instituteur à l’école primaire. J’avais six ans, avec lui j’ai troqué mon roseau contre une ardoise et un bâtonnet de craie.

Quelques jours après, c’était encore mieux. La belle rencontre avec la plume métallique : la fameuse plume sergent-major.

Avec son immense influence sur toute la classe et particulièrement sur moi, savamment cet instituteur nous a appris sans trop de difficultés la construction des lettres, leurs prononciations et même comment déchiffrer les mots à travers les caractères.

L’instant qui m’a fasciné et dont je garde un vif souvenir est l’image de cet homme debout sur l’estrade avec un morceau de craie au bout de ses doigts là, c’était magique : les symboles du monde apparaissaient les uns après les autres en blanc sur un tableau noir. Quelle révélation aux yeux de l’enfant qui participait de tout cœur à cette magie sous la forme d’art pratique ! 

Et un jour arriva, pas comme les autres jours vraiment. C’était juste après nos exercices ardoisiers. Notre instituteur nous demanda de sortir nos plumes, nos cahiers et de mettre de côté ardoises et craies. Avec un plaisir mêlé d’une grande inquiétude, j’avais sorti mon cahier flambant neuf et ma jolie plume.

Toujours avec son regard bienveillant il nous demanda d’ouvrir nos cahiers à la première page et il donna l’ultime ordre de recopier sur la première page les symboles tracés par ses soins sur le grand tableau noir.

Avec mes mains tremblantes jusqu’aux muscles des bras, mon corps tendu jusqu'aux pieds,

J’ai commencé à copier les lettres blanches du tableau noir en appuyant tellement sur mon porte-plume que j’ai cassé sa pointe. Malgré l’incident j’ai continué à transcrire ou plutôt à graver les symboles inscrits sur le tableau, mot à mot, jusqu’au dernier. À la fin j’ai constaté à ma grande surprise que cette encre bleue avait traversé plusieurs pages de ce beau papier quadrillé. Forte émotion, semblable à ma première rencontre avec les œuvres poétiques d’Arthur Rimbaud. C’était une illumination dont je ne me suis jamais séparée, qui m’escorte aujourd’hui et dont j’use par nécessité depuis des années dans ma pratique artistique.

Quelque temps après, sous le conseil d’un voisin collégien très grand amateur de bandes dessinées et avec la bienveillance des bouquinistes du centre-ville de Constantine, qui en louaient pour quelques centimes, se façonna une rencontre passionnelle avec ces livrets au mixte d’images et d’écritures.

Généreuse avec les enfants pauvres que j’étais, la bande dessinée m’avait tendu ses pages avec ses multiples galeries de personnages. Elle m’avait donné trois choses importantes : lire, rêver et un certain bonheur insouciant : reproduire avec une extraordinaire liberté, ses dessins sur les murs, sur les papiers et même sur le sol.

Cette forme artistique m’avait amené sans le savoir à la découverte du neuvième art du XXe siècle.

Après de multiples périples, viennent mes études aux écoles d’art et les plaisirs vécus à la découverte de véritables grands maîtres qui m’ont fait comprendre ce que signifie voir. Et le cheminement à travers les lectures de textes de poètes, d’écrivains, de philosophes, dont les pensées m’ont appris à déchiffrer le monde qui m’entoure. Ils ont fortement construit l’homme que je suis devenu.

Il m’a semblé trouver un chemin à ma vie, une raison de vivre. Mon travail artistique est devenu une canne, un déambulateur pour me tenir debout dans cette vie. Mais au plus profond de moi reste une question : est-ce que l’art nous heureux et meilleurs ? Est-il capable d’apaiser le drame humain qui nous habite ? Cette interrogation reste comme un espace vide, enclavé comme un territoire où il n’y a pas d’accès.

Plusieurs fois, je me suis permis de rendre visite à Sisyphe.

Une nuit ma visite ne fut pas des retrouvailles par la lecture, c’était carrément une vraie démarche. Cette nuit-là, j’étais absolument résolu à lui venir en aide en lui apportant mes outils de sculpteur. Quelle prétention pour un artiste !

Je pris mes outils et mon courage à deux mains et je descendis dans un monde mêlé d’ombres et de brouillard. Après de multiples difficultés, j’arrivai au pied de la montagne décrite par la mythologie, épuisé par mon parcours tortueux. Une fois déposés discrètement mes outils aux pieds de la colline, pas très loin des crevasses laissées par les chutes du rocher, je repartis dare-dare par peur de me faire écraser ou par crainte d’apercevoir la souffrance de Sisyphe et sa lutte avec la pierre. Je ne sais pas exactement. Dans les deux cas, j’étais faible devant le danger et la peine.

Revenu de ce périple, cette histoire m’invite à un jeu de l’esprit et à ce tâtonnement qui m’habite intérieurement, semblable aux questions qui m’habitent depuis l’enfance, peut-être est-ce seulement une vérification de la qualité de mes propos artistiques ?

On dit que les mythes ont souvent un sens moral et une vérité cachée.

Alors, je finis par croire que cette épreuve était une raison de plus de revoir Albert Camus et de relire ce passage du mythe de Sisyphe :

« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui parait ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux ».

Je finis aussi par croire que l’art et ses paradoxes ramènent à presque rien et à tout.

L’art n’est pas seulement apparence et se trouve essentiellement dans sa dimension cachée. Même s’il tient compte de la réalité il fait appel à de multiples lectures possibles. Ce qui fait que ce n’est pas un savoir-faire ; derrière chaque œuvre se profile souvent une multitude d'intentions. Les plasticiens comme les poètes sont porteurs d’une chose commune qu’ils vont chercher dans les profondeurs.

Rimbaud écrivait à Paul Demeny : « Car je est un autre, si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bout sur la scène ».

Je pense aussi à Emily Dickinson qui a écrit : «  Réveillons ce nous-même derrière nous-même, caché ».

Crédits photo : Christian LAJOUMARD

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MON AMI L’ÂNE

à toi de parler. Je te cède la parole…

De ma robe grise marquée d’une croix sombre sur mon dos, l’homme a fait une peau labourée par de vils bâtons, bien que je porte ses fardeaux depuis l’aube des temps.

Mon histoire se raconte avec la sienne. Je suis semblable dans le malheur et son égal dans la mort. Ses cris ne sont pas si différents de mon braiment et de mes pleurs. Lui il baisse la tête et moi, je plie l’échine de l’aube à tard dans la nuit. La trique pour moi, le mépris et l’humiliation pour lui. La liberté pour nos deux espèces demeure un souvenir qui se prolonge dans le futur.

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